samedi 17 mai 2008

L’école primaire française souffre de maux graves et doit être réformée d’urgence





















par Jacky RAYMOND

Il est hautement symbolique que le Nouveau Centre ait choisir de mettre l’éducation à l’ordre du jour de son congrès fondateur.

Avant d’engager mon propos, qui porte sur l’institution éducative, non sur ses acteurs, je tiens à souligner avec force l’engagement manifeste et la qualité du travail de nombre des professionnels de l’Ecole, enseignants, cadres, personnels administratifs et de service.

Compte tenu du temps réduit imparti, l’approche est volontairement centrée sur la seule école primaire, fondement – dans toutes les acceptions du terme – du système éducatif. Elle est sommairement construite sur trois points : un constat rapide ; un inventaire de problèmes majeurs ; quelques propositions d’action.


Un constat rapide

L’Ecole de la République est très malade, ce dont témoignent trois grands phénomènes : le mal-être et les revendications permanentes des enseignants, leurs réactions au rapport du conseiller d’Etat Marcel Pochard sur l’évolution du métier d’enseignant, rapport considéré par certains comme « une vraie provocation » ; l’attitude consumériste des parents vis-à-vis de l’Ecole et leur contestation croissante des professionnels de l’éducation – ce qui contribue à la perte d’autorité de ces derniers – ; la médiocrité des performances du système éducatif français, attestée par les résultats d’enquêtes internationales au cours de la dernière décennie, en particulier les résultats de PISA (« Programme for International Student Assessment » – programme international pour le suivi, tous les trois ans, d’acquis d’élèves de quinze ans dans les domaines de la langue maternelle, des mathématiques et des usages de connaissances scientifiques).

Aujourd’hui, c’est à l’école primaire que doit être portée l’attention la plus grande tant elle est figée dans des organisations et des modes de fonctionnement vieux de plus d’un siècle. S’il convient d’approuver la récente réforme des programmes opérée par le Ministre de l’Education nationale, qui recentre le travail sur les savoirs de base, dans la logique du socle commun de connaissances et de compétences institué par la « loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École » du 23 avril 2005, il est urgent d’opérer une réforme en profondeur de cette institution fondamentale de notre pays.


Des problèmes majeurs à traiter

En effet, trois problèmes essentiels restent en suspens : l’organisation territoriale de l’école primaire ; la « gouvernance » de l’Ecole ; l’évaluation de l’efficacité de l’enseignement.

L’organisation de l’école primaire se fonde encore sur les principes qui ont présidé à son édification au XIX° siècle : une mosaïque de petites écoles, tant en milieu rural que dans les quartiers urbains, même si la mise en place de regroupements pédagogiques intercommunaux, presque toujours créés pour prendre en compte le déclin démographique dans les territoires concernés, a pu atténuer les effets négatifs de la dispersion et de la taille réduite des unités éducatives. L’école primaire reste caractérisée, en dépit de certains aménagements territoriaux, par un émiettement inadapté aux besoins actuels de notre société. Organisée selon un modèle antédiluvien, elle n’a pas accompagné, ou faiblement, le mouvement de décentralisation, la mise en place de l’intercommunalité. Et bien des initiatives se heurtent encore à des résistances, voire à des oppositions farouches.

Les écoles, qui ne sont pas des établissements dotés de la personnalité morale et juridique, ne sont pas dirigées par des responsables de plein exercice, ayant le statut et les attributions d’un chef d’établissement.
Les inspecteurs de l’éducation nationale effectuent pléthore de tâches, au détriment de leurs deux missions essentielles : conseiller les professeurs des écoles et contrôler l’efficacité de leur action, notamment au travers de l’analyse des résultats des élèves. Se pose de surcroît le problème de leur positionnement comme cadre de la fonction publique.

Le système éducatif français a multiplié les évaluations - évaluation des personnels ; évaluation des résultats des élèves ; évaluation des établissements, rarement des écoles ; évaluation des performances des académies ; etc. Mais tous ces ensembles de données ne sont que fort peu exploités et leurs usages, encore fragmentaires, ne font pas l’objet d’un suivi systématique, dans une perspective de l’amélioration de la qualité de l’enseignement.


Quelques propositions d’action

Aussi s’avère t-il urgent de réformer un système à bout de souffle qui, en dépit de l’engagement et de la qualité de l’immense majorité des enseignants, souffre de son inertie, de son immobilisme, de ses blocages, de ses sempiternelles polémiques – par exemple sur la question récurrente du nombre d’élèves par classe et sur le lien fantasmé entre efficacité et moyens – et ne cesse ainsi de s’affaiblir.

En terme d’organisation, Ecole et intercommunalité doivent se renforcer mutuellement : s’il importe de privilégier une logique de proximité, il convient aussi de substituer à l’organisation actuelle la mise en place de pôles scolaires offrant des services qui concourent au développement éducatif de tout un secteur – territoire rural ou quartier urbain constituant une unité de vie –, la constitution d’un ou plusieurs réseaux scolaires dans chaque communauté de communes ou d’agglomération, dans la perspective de l’amélioration de la qualité du réseau scolaire, tant du point de vue pédagogique que matériel. Cette nouvelle organisation peut reposer sur des formes juridiques diverses, existantes ou à inventer. Des expérimentations peuvent aussi être réalisées, en secteur rural, de création d’un pôle collège/écoles, sous la direction du chef d’établissement.
Une évolution significative implique, d’une part un débat parlementaire et un nouveau cadre législatif, d’autre part l’établissement d’un schéma départemental ou régional du service public d’éducation, qui vise à renforcer la qualité des prestations pédagogiques et de l’offre de formation, da la gestion des personnels de l’éducation nationale et des collectivités territoriales, des infrastructures et de leur maillage territorial, ainsi que la logique de réseau, sur un socle d’innovation pédagogique et éducative, en cohérence avec l’identité du territoire et son environnement.

La « gouvernance » du premier degré doit être impérativement adaptée aux réalités et exigences de la société contemporaine. L’encadrement de chaque pôle ou réseau d’écoles exige des responsables qui aient une vision claire du projet éducatif de la nation, une approche large et globale des politiques éducatives, qui soient aptes à gérer le complexe, à traiter de façon réactive l’imprévu et l’exceptionnel ; qui sachent entretenir avec tous les membres et partenaires de leur communauté éducative des relations suivies, confiantes et constructives, qui mobilisent avec conviction et efficacité tous les personnels. L’efficacité de l’action éducative implique le recrutement d’authentiques managers.
Des décisions s’imposent : établissement d’un statut de directeur de pôle ou réseau scolaire, responsable de plusieurs entités fonctionnelles territoriales (plusieurs écoles constituant un ensemble d’une dizaine à une vingtaine de classes) réunies autour d’un même projet pédagogique et éducatif ; faculté de contractualiser avec les autorités compétentes ; amélioration d’exercice du métier – décharge complète ; attribution d’un secrétariat ; etc. – ; équivalence avec le corps des personnels de direction 2ème catégorie. Elles induisent certaines conséquences : libérer la capacité d’initiative des cadres et des unités éducatives ; favoriser la cohérence de terrain ; renforcer la démarche de projet et de contrat.
Déchargés de responsabilités désormais dévolues aux directeurs, les inspecteurs se consacreront à leurs missions fondamentales de conseil, de contrôle, de formation, d’expertise. Leur corps sera alors fondu dans le corps désormais unique des inspecteurs d’académie - inspecteurs pédagogiques régionaux, ce qui contribuera à favoriser et faciliter les interactions entre les différents niveaux du système éducatif.
Cette réforme d’importance conduira, dans le cadre d’une réflexion globale sur l’encadrement du système éducatif, à faire évoluer les fonctions et compétences d’autres responsables, comme, par exemple, les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale.

Au plan de l’efficacité de l’enseignement et de son évaluation, les évolutions de la politique éducative nationale comme celles de la politique éducative européenne, au travers de ce qu’on dénomme la « stratégie de Lisbonne », induisent la mise en oeuvre d’une formation de qualité en lien avec les réalités économiques et sociales.
Et le nouveau cadre budgétaire fixé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne saurait manquer de contribuer à l’amélioration des performances du système éducatif. En effet, la mise en œuvre de la LOLF favorise le questionnement sur les critères d’efficacité et d’efficience des actions conduites au regard des moyens attribués et permet de progresser dans la mise en commun d’indicateurs partagés, quantifiés et mesurables, avec les établissements. Si la LOLF est un instrument de maîtrise de la dépense publique, elle est aussi, fondamentalement, un outil de la gestion de la performance et de son évaluation.
En outre, les parents, de plus en plus nombreux, soupèsent, hiérarchisent et évaluent dans l’offre scolaire la proposition susceptible d’être le plus en adéquation avec leurs attentes – exemple du « zapping » entre le public et le privé. Ils adoptent une attitude évaluative et critique vis-à-vis de l’institution scolaire et de ses professionnels.
Il s’impose donc de faire entrer les enseignants et personnels d’encadrement de l’école primaire, individuellement et collectivement, dans un processus permanent d’évaluation, pour diagnostiquer, pour piloter, pour rendre compte. De nouvelles pratiques sont à instituer, à l’instar de ce qui se met progressivement en œuvre dans le domaine des langues avec le certificat de compétences en langue ou dans celui de l’informatique avec le brevet informatique des écoles.


Les résultats des évaluations des élèves seront communiqués et expliqués aux parents. Les performances des écoles seront présentés et analysés dans les conseils de pôle ou de réseau. Les performances de l’ensemble des pôles et réseaux du département comme de la région seront examinés et commentés dans les instances institutionnelles compétentes et rendus publics. A l’échelle nationale, le Ministre de l’Education nationale présente un rapport annuel de performances au Parlement. Il est légitime et indispensable de rendre compte de la performance de l’école, aux différents niveaux de son pilotage, devant l’ensemble de nos concitoyens.


Il va de soi que cette nécessaire refonte de l’école primaire doit s’inscrire dans une logique de réforme en profondeur de la globalité du système éducatif. Elle implique courage et volonté pour convaincre tout un chacun que la défense de l’Ecole républicaine appelle changement et innovation, avec l’ambition principale d’accroître ses performances, donc celles de tous les élèves, en particulier des plus fragiles d’entre eux.
Il appartient au Nouveau Centre, parti héritier d’une longue tradition humaniste, dont on connaît les valeurs et les priorités en matière éducative, de prendre l’initiative d’une réforme de fond de notre Ecole de la République.

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