dimanche 2 novembre 2008

Réforme du lycée: autonomie et responsabilisation des lycéens

par Jacky RAYMOND,
Inspecteur d'Académie Honoraire Secrétaire National à l'Education, Président-Délégué au Projet de la Fédération NC du Gard, Adjoint au Maire de Nîmes



Dans ses principes, la réforme du lycée – et pas seulement de la classe de seconde comme le titrent certains journaux, bien que le cadrage du cycle terminal fasse toujours l’objet de réflexions – va incontestablement dans le bon sens, même si elle ne s’inscrit encore que partiellement dans la logique qui la fonde.


Elle va dans le bon sens pour plusieurs raisons majeures : elle modifie l’organisation annuelle des études de second cycle ; elle favorise une évolution des comportements des lycéens ; elle accompagne ces derniers de façon beaucoup plus soutenue et plus rigoureuse.

Nul ne conteste aujourd’hui le déséquilibre des trois trimestres de l’année scolaire, d’un premier trimestre qui n’en finit pas à un troisième trimestre quasi inexistant. Même si le découpage temporel reste inchangé – cinq séquences de six à sept semaines –, l’organisation semestrielle favorise un meilleur équilibre des activités d’enseignement et des moments de positionnement des élèves.
Il restera à régler le problème de l’amputation du second semestre pour cause d’examens et procédures diverses d’orientation/affectation.

Les modules d’exploration ou d’approfondissement, choisis parmi les quatre dominantes retenues – humanités, sciences, sciences de la société, technologie –, conduiront les lycéens à effectuer des choix et à individualiser leur parcours de formation. Ils leur permettront également d’ajuster ledit parcours, en fonction de leurs intérêts et potentialités, en usant de leur « droit au changement ».
L’efficacité de ce dispositif implique que la détermination des modules proposés par l’établissement se fonde sur le projet d’établissement, donc sur une analyse de besoins et un diagnostic, et non sur les ressources horaires disponibles après organisation du tronc commun – ce qui reviendrait à rendre les modules tributaires des répartitions disciplinaires.

Les trois heures d’accompagnement – remise à niveau, travaux interdisciplinaires, aide à l’orientation – ne devraient pas manquer de faciliter l’assistance aux élèves au regard de leurs performances scolaires et de leur projet personnel de formation.
Là encore, il conviendra de ne pas conditionner la mise en place de cette composante fondamentale des études de second cycle aux seules disponibilités horaires dans les diverses disciplines d’enseignement, au risque de pervertir totalement les ambitions et visées affichées.
Une telle perspective suppose une révision de l’actuel statut des enseignants, qui date… de 1950 !


Cette réforme ne va pas jusqu’au bout de la logique qui la fonde parce que, malgré la constitution de modules, elle maintient la sacro-sainte organisation par classe et ne permet pas à chaque élève de réaliser son propre cheminement scolaire.

L’organisation scolaire traditionnelle se caractérise à la fois par la constitution de classes par niveaux (seconde, première, terminale), même si certaines activités bénéficient d’un dédoublement de la classe ou se font par groupes – ce qui ne remet pas en cause la classe comme unité éducative –, et par une répartition des enseignements qui obéit à la mise en œuvre, du début à la fin de l’année scolaire, d’un emploi du temps immuable, ce qui peut s’expliquer par le souci de proposer aux professeurs et aux élèves un cadre temporel structurant, doublé d’un cadre spatial (locaux et équipements) également fixe.
Donner tout son sens et toute sa place au projet d’établissement, donc libérer l’initiative des équipes pédagogiques et éducatives, d’une part, mieux prendre en compte les besoins et attentes des élèves, et accroître leur esprit de responsabilité, d’autre part, nécessiteraient une plus grande souplesse dans l’élaboration et la constitution des itinéraires personnalisés de formation, donc une organisation du tronc commun en modules obligatoires, d’horaire global variable en fonction des disciplines.

Il est en effet étonnant de faire dépendre le passage au niveau supérieur d’une performance « moyenne », évaluée à partir des résultats obtenus par l’élève dans les différentes disciplines, comme si l’excellence en français ou en langue(s) pouvait compenser l’insuffisance en mathématiques ou en sciences (ou vice-versa !).
Pourquoi un élève qui a réussi dans une discipline, au regard du référentiel de celle-ci – l’évaluation relève t-elle actuellement de ce type de pratique ? –, doublerait-il sa classe parce que ses résultats sont notoirement insuffisants, voire faibles, dans d’autres disciplines ? Il conviendrait que l’évaluation, donc les décisions qui en résultent, se fasse par module et que soit abandonnée la pratique de l’appréciation globale.
Une telle approche impose une double contrainte : la mise en œuvre effective d’une évaluation explicite, sur la base d’un référentiel et de critères explicités, connus des élèves et de leurs familles ; une souplesse d’organisation au triple plan de la gestion des groupes d’élèves (il ne s’agit pas d’individualiser les enseignements), de la gestion des modules, de la gestion des espaces.


La qualité d’une réforme ne saurait s’apprécier sur le seul critère des moyens – de préférence en augmentation ! Si la question des ressources – et pas seulement des heures d’enseignement – mérite une attention particulière et un examen rigoureux, elle ne constitue pas l’ingrédient essentiel de la qualité du système éducatif. Celle-ci résulte davantage de la philosophie et de l’économie générale de ce système, du sens donné par chaque établissement à son action éducatrice au travers de son projet. Contrairement à ce que d’aucuns peuvent affirmer, la réforme engagée ne saurait accroître les disparités, aujourd’hui très fortes, entre les établissements. Elle vise au contraire, par la responsabilisation effective des équipes pédagogiques et l’engagement de chaque communauté éducative, par l’autonomie accrue des élèves et l’implication encouragée de leurs familles, à jouer la carte d’une qualité optimale et, par conséquent, à réduire ces disparités.

La réussite de cette réforme, qui va dans le bon sens, même si elle est limitée dans sa réalisation, est étroitement subordonnée à trois conditions essentielles :
- mettre en place une stratégie de communication qui en favorise la compréhension dans l’opinion publique, et plus encore dans l’esprit des élèves et de leurs familles ;
- favoriser l’appropriation par les équipes pédagogiques et éducatives des fondements axiologiques de la réforme, de ses principes, stratégies et modalités de mise en œuvre, de la nécessaire évaluation des effets produits au regard de ceux attendus ;
- mobiliser avec force les personnels d’encadrement, qu’il s’agisse des proviseurs, maîtres d’œuvre de cette opération d’envergure, laquelle bouscule des décennies de traditions et une culture profondément ancrée dans les esprits, ou des inspecteurs d’académie, inspecteurs pédagogiques régionaux, conseillers des chefs d’établissement et des équipes pédagogiques, qu’il conviendra d’accompagner avec détermination.

Le Nouveau Centre adhère à cette réforme, qui transforme de manière significative l’organisation actuelle du second cycle, dans une perspective indéniable d’amélioration des performances du système éducatif, donc de la réussite des élèves. Et il considère qu’elle constitue une avancée décisive dans un processus qui devra être poursuivi, en pleine concertation avec tous les professionnels de l’éducation.

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